Miette and Silvère/ Emile Zola

Silvère drew the water necessary for household chores in Aunt Dide’s. One day, the pulley split. The young wheelwright carved a beautiful, strong oak pulley, which he installed in the evening after his workday. He had to climb onto the wall. When he finished his work, he remained straddling the wall cap, resting and curiously observing the vast expanse of Jas-Meiffren.

Pulling weeds a few steps away, a peasant woman eventually caught his attention. It was July; the air was burning, even though the sun was already on the horizon. The peasant woman had taken off her jacket. In a white corset, with a colored scarf tied around her shoulders, the sleeves of her shirt rolled up to her elbows, she was crouching in the folds of her blue cotton skirt, which was held by two crossed straps behind her back. She moved on her knees, pulling out darnel and throwing it into a basket.

The young man only saw her bare arms, burned by the sun, stretching to the right and left to grab some forgotten weed. He complacently followed this rapid play of the peasant woman’s arms, finding a peculiar pleasure in seeing them so firm and swift. She straightened up slightly, not hearing him work anymore, and lowered her head again before he could even distinguish her features.

This startled movement held him back. Like a curious boy, he questioned himself about this woman, whistling mechanically and tapping a chisel he held in his hand. The chisel slipped and fell on the Jas-Meiffren side, hitting the well’s edge and bouncing a few steps from the wall. Silvère watched it, leaning over, hesitating to climb down. But it seemed the peasant woman was watching the young man from the corner of her eye, for she stood up without a word and picked up the chisel to hand it to Silvère.

Then, he saw the peasant was a child. He remained surprised and a bit intimidated. The young girl reached up to him in the red light of the sunset. The wall was low at that point but still too high. Silvère lay on the wall cap, and the little peasant stood on her tiptoes. They said nothing, looking at each other with a confused and smiling air.

The young man would have liked to prolong the child’s stance. She raised an adorable head towards him, with big black eyes and a red mouth that astonished and moved him strangely. He had never seen a girl so close. He didn’t know a mouth and eyes could be so pleasant to look at. Everything seemed to have an unknown charm to him: the colored scarf, the white corset, the blue cotton skirt pulled by the straps, tightened by the movement of the shoulders. His gaze slid along the arm, holding the tool out to him. The arm was golden brown to the elbow as if clothed in tan. But further, in the shadow of the rolled-up shirt sleeve, Silvère saw a bare roundness, milk white.

He became flabbergasted, leaned further, and finally managed to grab the chisel. The little peasant girl began to feel embarrassed. Then, they stayed there, smiling at each other, the child below, her face still raised, the young boy half lying on the wall cap. They didn’t know how to part. They hadn’t exchanged a word. Silvère even forgot to say thank you.

“What’s your name?” he asked. 

“Marie,” replied the peasant girl, “but everyone calls me Miette.” She raised herself slightly and, in a clear voice, asked,

“And you?”

“My name is Silvère,” replied the young worker.

There was a silence during which they seemed to listen complacently to the music of their names.

“I’m fifteen,” Silvère continued. “And you?”

“I will be eleven on All Saints’ Day,” said Miette.

The young worker gestured in surprise.

“Oh well,” he said, laughing. I took you for a woman! You have big arms.”

She began to laugh, too, lowering her eyes to her arms. Then, they said no more. They remained there for a good while, looking at each other and smiling. As Silvère seemed to have no more questions, Miette left and went back to pulling weeds without raising her head. He stayed a moment longer on the wall.

The sun was setting. A sheet of oblique rays flowed over the yellow lands of Jas-Meiffren. The land was blazing like a fire running along the ground. And on this blazing sheet, Silvère watched the little peasant crouching, her bare arms resuming their rapid play, her blue cotton skirt whitening, lights running along her copper-colored arms. He finally felt a sort of shame staying there. He climbed down the wall.

From La Fortune des Rougon by Emile Zola

Original text in French

Silvère tirait pour tante Dide l’eau nécessaire au ménage. Un jour, la poulie se fendit. Le jeune charron tailla lui-même une belle et forte poulie de chêne qu’il posa le soir, après sa journée. Il lui fallut monter sur le mur. Quand il eut fini son travail, il resta à califourchon sur le chaperon du mur, se reposant, regardant curieusement la large étendue du Jas-Meiffren.

Une paysanne qui arrachait les mauvaises herbes à quelques pas de lui finit par fixer son attention. On était en juillet, l’air brûlait, bien que le soleil fût déjà au bord de l’horizon. La paysanne avait retiré sa casaque. En corset blanc, un fichu de couleur noué sur les épaules, les manches de chemise retroussées jusqu’aux coudes, elle était accroupie dans les plis de sa jupe de cotonnade bleue, que retenaient deux bretelles croisées derrière le dos. Elle marchait sur les genoux, arrachant activement l’ivraie qu’elle jetait dans un couffin.

Le jeune homme ne voyait d’elle que ses bras nus, brûlés par le soleil, s’allongeant à droite, à gauche, pour saisir quelque herbe oubliée. Il suivait complaisamment ce jeu rapide des bras de la paysanne, goûtant un singulier plaisir à les voir si fermes et si prompts. Elle s’était légèrement redressée en ne l’entendant plus travailler, et avait baissé de nouveau la tête, avant qu’il eût pu même distinguer ses traits.

 Ce mouvement effarouché le retint. Il se questionnait sur cette femme, en garçon curieux, sifflant machinalement et battant la mesure avec un ciseau à froid qu’il tenait à la main, lorsque le ciseau lui échappa. L’outil tomba du côté du Jas-Meiffren, sur la margelle du puits, et alla rebondir à quelques pas de la muraille. Silvère le regarda, se penchant, hésitant à descendre. Mais il paraît que la paysanne examinait le jeune homme du coin de l’œil, car elle se leva sans mot dire, et vint ramasser le ciseau à froid qu’elle tendit à Silvère

Alors ce dernier vit que la paysanne était une enfant. Il resta surpris et un peu intimidé. Dans les clartés rouges du couchant, la jeune fille se haussait vers lui. Le mur, à cet endroit, était bas, mais la hauteur se trouvait encore trop grande. Silvère se coucha sur le chaperon, la petite paysanne se dressa sur la pointe des pieds. Ils ne disaient rien, ils se regardaient d’un air confus et souriant.

Le jeune homme eût, d’ailleurs, voulu prolonger l’attitude de l’enfant. Elle levait vers lui une adorable tête, de grands yeux noirs, une bouche rouge, qui l’étonnaient et le remuaient singulièrement. Jamais il n’avait vu une fille de si près ; il ignorait qu’une bouche et des yeux pussent être si plaisants à regarder. Tout lui paraissait avoir un charme inconnu, le fichu de couleur, le corset blanc, la jupe de cotonnade bleue, que tiraient les bretelles, tendues par le mouvement des épaules. Son regard glissa le long du bras qui lui présentait l’outil ; jusqu’au coude, le bras était d’un brun doré, comme vêtu de hâle ; mais plus loin, dans l’ombre de la manche de chemise retroussée, Silvère apercevait une rondeur nue, d’une blancheur de lait.

Il se troubla, se pencha davantage, et put enfin saisir le ciseau. La petite paysanne commençait à être embarrassée. Puis ils restèrent là, à se sourire encore, l’enfant en bas, la face toujours levée, le jeune garçon à demi couché sur le chaperon du mur. Ils ne savaient comment se séparer. Ils n’avaient pas échangé une parole. Silvère oubliait même de dire merci.

 — Comment t’appelles-tu ? demanda-t-il.

— Marie, répondit la paysanne ; mais tout le monde m’appelle Miette. Elle se haussa légèrement, et de sa voix nette : — Et toi ? demanda-t-elle à son tour.

— Moi, je m’appelle Silvère, répondit le jeune ouvrier.

 Il y eut un silence, pendant lequel ils parurent écouter complaisamment la musique de leurs noms.

— Moi j’ai quinze ans, reprit Silvère. Et toi ?

— Moi, dit Miette, j’aurai onze ans à la Toussaint.

Le jeune ouvrier fit un geste de surprise.

— Ah ! bien, dit-il en riant, moi qui t’avais prise pour une femme !… Tu as de gros bras.

Elle se mit à rire, elle aussi, en baissant les yeux sur ses bras. Puis ils ne se dirent plus rien. Ils demeurèrent encore un bon moment, à se regarder et à sourire. Comme Silvère semblait n’avoir plus de questions à lui adresser, Miette s’en alla tout simplement et se remit à arracher les mauvaises herbes, sans lever la tête. Lui, resta un instant sur le mur.

Le soleil se couchait ; une nappe de rayons obliques coulait sur les terres jaunes du Jas-Meiffren ; les terres flambaient, on eût dit un incendie courant au ras du sol. Et, dans cette nappe flambante, Silvère regardait la petite paysanne accroupie et dont les bras nus avaient repris leur jeu rapide ; la jupe de cotonnade bleue blanchissait, des lueurs couraient le long des bras cuivrés. Il finit par éprouver une sorte de honte à rester là. Il descendit du mur.

 La Fortune des Rougon de Emile Zola

THIS POST IS DEDICATED TO MY GRANDDAUGHTER ANDREA WHO GAVE ME THIS WONDERFUL BOOK.